Depuis Pâques, des dizaines d'écoles mènent des actoins pour demander que l'on remédie à la qualité de l'air à l'école, jugée « préoccupante voire mauvaise » par une récente étude nationale de Greenpeace. Or cette question ne fait pas partie des priorités des pouvoirs publics. Le PTB soutient cette revendication et propose un plan en dix points.
« À l'aide, j'étouffe », affichaient de nombreux panneaux apportés par les enfants. L'appel de l'initiative parentale Filter-Café-Filtré pour mener des actions aux portes des écoles chaque vendredi matin est bien suivi. La première semaine, 5 écoles avaient participé, la semaine suivante, elles étaient 40, dont 22 à Bruxelles et 18 en Flandre. Les parents veulent que les pouvoirs publics passent à l'action.
Axel Bernard, conseiller communal PTB, a également abordé le problème au conseil communal de Schaerbeek. Il y a exposé les chiffres carrément mauvais révélés par les analyses réalisées dans l'école Carolus Magnus à Schaerbeek. Dans son étude nationale sur la qualité de l'air dans les écoles, Greenpeace a en effet mesuré la quantité de dioxyde d'azote (NO2) dans des écoles et autour de celles-ci.
Pourquoi mesurer le NO2 ?
L'exposition à des concentrations élevées de NO
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peut se traduire par des inflammations des voies respiratoires et des poumons, surtout chez les asthmatiques. Le NO
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est également un bon indicateur de la pollution atmosphérique générale (suie, particules fines, etc.). Si la concentration en NO
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est élevée, celle des particules fines le sera aussi. La pollution atmosphérique par les particules fines et le NO
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peut mener à un risque accru ou une augmentation des maladies cardiovasculaires, du cancer des poumons, de la leucémie chez les enfants, des allergies, des naissances prématurées, de la limitation cognitive, etc. Ce sont surtout les enfants qui y sont sensibles. 20 % des poussées de bronchite chez les asthmatiques résultent de la pollution atmosphérique. En Belgique, celle-ci provoque annuellement jusqu'à 2 320 décès normalement évitables.
Dans la rue de l'école Carolus Magnus, à Schaerbeek, les concentrations de NO2 , déjà au-dessus de la valeur maximale admise de 40µg/m³, sont en nette augmentation. Dans la cour de récréation aussi, les concentrations restent dangereusement élevées, avec des résultats dépassant les 30µg/m³. Alors que 20µg/m³ est déjà nocif pour les enfants. Les parents ont donc des raisons d'être préoccupés. Ce qui ne semble pas être le cas du bourgmestre Bernard Clerfayt (DéFI). Par souci d'économies, il avait déjà supprimé un projet visant à faire aller les enfants à l’école à vélo avec un accompagnement du personnel communal.
Les pouvoirs publics mesurent très peu la pollution atmosphérique et ce sont donc les citoyens et le monde associatif qui le font
De même, les autorités régionales prennent insuffisamment leurs responsabilités. Il est rare que celles-ci mesurent la pollution atmosphérique. Le nombre de lieux de mesure en Flandre est minime, et de plus, les anciens modèles de mesurage sous-estiment grandement la pollution réelle. Or depuis en janvier, on utilise un meilleur modèle1, qui montre que, dans toutes les villes, il y a des rues où la norme limite européenne de 40µg/m³ est dépassée. C'est ce qu'on appelle les « streetcanyons », des rues-canyons : des rues avec une forte densité de constructions, où l'air ne circule pas et où la pollution atmosphérique reste donc très forte.
Dans des dizaines d'endroits, vu l'absence de telles mesures, les citoyens ont pris eux-mêmes l'initiative de projets locaux de mesurage. Et, depuis peu, le quotidien De Standaard organise une enquête à grande échelle sous l'appellation « Curieuzeneuzen » (les nez curieux, ceux qui mettent le nez partout). Ce projet veut mesurer pendant un mois la qualité de l'air avec la collaboration de 20 000 citoyens. Dans le cadre de son étude Mon air, mon école, Greenpeace a mesuré la qualité de l'air dans et autour de 222 écoles2. Et à Bruxelles est né le collectif citoyen CleanAirBruxellesPropereLucht qui, en compagnie de ClientEarth, a assigné en justice les pouvoirs publics bruxellois parce que ceux-ci ne parviennent pas à faire respecter la norme européenne de 40µg/m³. À Bruxelles, les pouvoirs publics mesurent la pollution atmosphérique, mais seulement dans onze endroits et, pour deux d'entre eux, les instruments étaient hors d'usage depuis belle lurette. De plus, les instruments de mesure n'avaient pas été placés dans les endroits les plus pollués, ce qui fait que le problème a été grandement sous-évalué. Des projets citoyens de mesure sont donc aussi apparus à Bruxelles, comme le projet AirCasting, mis sur pied par le mouvement BRAL (pour un Bruxelles durable) et la VUB, projet auquel collabore également Médecine pour le Peuple-Molenbeek.
De l'air sain aux portes des écoles
Le PTB propose un plan en 10 points afin d'améliorer considérablement la qualité de l'air dans et autour des écoles.
Comment faire diminuer rapidement le trafic routier domicile-école ?
1. Chaque année, les pouvoirs publics doivent mesurer la qualité de l'air dans et autour de toutes les écoles.
2. En Flandre, un tiers des déplacements vers l'école se font en voiture. À Anvers et Gand, on en est à 13 %
3. Mais, à Bruxelles, à 40 %
4. Chaque école doit être soutenue financièrement et accompagnée professionnellement afin d'élaborer son propre plan de mobilité
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qui partira du principe STOP (stappen, trappen, openbaar vervoer, privévervoer – marcher, pédaler, transport public, transport privé). Enfants et parents sont donc stimulés à se rendre à l'école à pied, à vélo ou en empruntant les transports publics. Des solutions concrètes seront dégagées pour la sécurité.
- Les enfants sont accompagnés en groupe depuis les arrêts importants (métro, tram, bus) tout proches et depuis l'accueil post-scolaire, et ce, vers l'école et vice versa.
- Un professeur cycliste accompagne les petits cyclistes en groupe le long d'un parcours où l'on prend les enfants qui vont en classe à vélo.
- Des stewards scolaires accompagnent les plus petits aux principales lignes de bus, tram et métro au moment où ils y montent ou en descendent.
- Des stewards scolaires sont présents aux arrêts proches. Si nécessaire, des bus scolaires sont affrétés.
- Les enfants ne sont plus déposés aux portes de l'école en voiture. Cela apporte des gaz d'échappement jusqu'aux portes de l'école. Si l'auto est inévitable, les enfants sont déposés à des arrêts d'où ils partent en groupe pour se rendre à l'école.
3. Dans le voisinage des écoles, 20 km/h devient la règle.
4. Assurer la gratuité des transports publics aux heures de pointe, de sorte que les gens opteront davantage pour ce mode de transport.
5. À Bruxelles, un abonnement à De Lijn, à la SNCB ou à la STIB – sans surcoût – doit procurer un accès à tous les bus, trams, trains ou métros sur tout le territoire de la Région Bruxelles-Capitale, qu'il s'agisse des lignes de De Lijn, du TEC, de la STIB ou de la SNCB. Cette mesure peut réduire immédiatement de 5 % les déplacements en voiture.
Dans les plans communaux de mobilité, éviter que les voitures passent dans les rues des écoles, et rendre les déplacements à pied et à vélo sûrs.
6. À moyen terme, les plans communaux (et régionaux) de mobilité doivent être adaptés de manière à épargner les rues où se trouvent des écoles :
- Déviations et transport de transit doivent être évités. Pas de mini-autoroutes devant les portes des écoles.
- Si possible, bloquer la rue de l'école au moment de l'entrée et de la sortie des classes, tant le matin que l'après-midi.
7. Organiser des pistes cyclables sûres et séparées. Améliorez la sécurité aux carrefours dangereux.
8. Construire les nouvelles écoles à 500 mètres au moins d'une autoroute et à au moins 50 mètres d'une route provinciale.
Repenser l'école, la ville et la mobilité.
9. Éviter que les gens doivent faire de longs déplacements pour aller à l'école.
- Il faut qu'il y ait suffisamment de crèches et d'écoles maternelles et primaires dans chaque commune ou quartier de la ville. On évite ainsi que des dizaines de milliers d'enfants doivent aller à l'école dans une autre ville ou commune. En Flandre, 50 % des élèves doivent faire plus de 5 km pour aller en classe. À Bruxelles, un enfant sur trois doit aller à l'école primaire dans une autre commune et c'est même deux sur trois pour l'enseignement secondaire6.
- Dans la politique d'inscription, favoriser les distances courtes dans les déplacements domicile-école.
10. Investir dans des transports publics modernes et performants pour que les gens puissent laisser leur voiture de côté. C'est la seule façon d'atteindre les objectifs climatiques et ceux sur la propreté atmosphérique. Un réseau à fines mailles, une desserte plus fréquente, des technologies propres : véhicules à hydrogène et véhicules électriques. Réduire les prix et examiner comment d'autres grandes villes appliquent la gratuité des transports publics (comme le font une centaine de villes dans le monde aujourd'hui). Étendre les réseaux de chemin de fer autour des villes. Installer des parkings de dissuasion à la périphérie des grandes villes, à côté de lignes de trams rapides ou de métros vers le centre-ville.
1. http://www.standaard.be/cnt/dmf20180112_03296590
2. https://www.monairmonecole.be
3. http://www.mobielvlaanderen.be/persberichten/artikel.php?id=560
4. https://mobilite-mobiliteit.brussels/sites/default/files/farde_pds_2016_fr.pdf
5. À Bruxelles, un peu plus de la moitié des écoles ont un plan scolaire de mobilité: I https://mobilite-mobiliteit.brussels/fr/pds
6. http://ibsa.brussels/fichiers/publications/focus-de-libsa/focus_15_aout_2016